Article sur les microplastiques et nanoparticules
Santé Environnement

Microplastiques et nanomatériaux : quelle pollution ? quels impacts ?

À l’occasion de la rencontre scientifique sur le thème des microplastiques et des nanomatériaux, organisée conjointement par l’Anses (Agence de sécurité sanitaire) & l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), le 20 mai 2021, les chercheurs français invités ont pu faire le point sur leurs travaux, leurs avancées et les besoins futurs.

Nanomatériaux

Les nanomatériaux sont très largement utilisés dans des secteurs très variés. Par exemple, dans le domaine de l’agro-alimentaire, ce sont principalement des additifs utilisés comme colorant, agent texturant, agglomérant ou anti-agglomérant… Ils sont également très présents dans le secteur des cosmétiques notamment pour les filtres anti-UV minéraux. Globalement les nanomatériaux sont utilisés pour améliorer l’absorption, les textures ou la biodisponibilité.

Depuis que les fabricants et importateurs ont l’obligation de déclarer toutes les substances utilisées à l’état nanoparticulaire entrant sur le marché (registre R-Nano), les données s’étoffent et bénéficient à la recherche. Toutefois, malgré plus d’une décennie de recherche concernant leur devenir dans les écosystèmes et leurs potentiels effets, les connaissances évoluent mais un long chemin reste à parcourir afin de concrètement connaître les divers mécanismes d’action des nanoparticules.

La ou les définitions d’un nanomatériau

Comme le rappelle l’Anses, il n’existe pas une mais des définitions du terme “nanomatériau”. Au sein de l’Union Européenne, nous utilisons celle retenue par la Commission européenne, soit : “une substance fabriquée intentionnellement à l’échelle nanométrique, contenant des particules, non liées ou sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont une proportion minimale des particules, dans la distribution des tailles en nombre, présente une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm”.

Rassemblés par le fait de partager une même taille, un milliard de fois plus petit que le mètre, les nanomatériaux sont en réalité une classe très disparate selon la nature, la forme et les charges du nanomatériau.

Tous les enjeux de la recherche se focalisent sur ce que deviennent ces nanoparticules une fois dans l’organisme : sont-elles séquestrées ? sont-elles métabolisées, si oui en quoi ? sont-elles excrétées sans transformation ? induisent-elles ou participent-elles à un mécanisme inflammatoire ? à un mécanisme de cancérogenèse ?

Actuellement, deux phénomènes tendent à être de mieux en mieux compris. Le premier est le potentiel inflammatoire induit par les nanoparticules, comme les nanotubes de carbone qui peuvent induire des crises d’asthme et pathologies respiratoires chez les individus asthmatiques. Le seconde, plus générale, est que les nanoparticules pourraient avoir le rôle d’un “Cheval de Troie”. Autrement dit, elles pourraient faciliter la pénétration d’un élément exogène dans l’organisme (virus, bactéries, perturbateurs endocriniens, substances cancérogènes avérées…)

Microplastiques

Les microplastiques alertent depuis plusieurs années également l’opinion publique avec la pollution des océans et, de manière plus générale, l’environnement. Ces microplastiques peuvent pénétrer et contaminer la chaîne alimentaire.

Chaque année, ce sont 8 millions de tonnes de plastique qui finissent dans les océans, après avoir transité par les rivières, les fleuves, les littoraux… Les plastiques se fragmentent sous l’action de facteurs abiotiques (rayons UV, température, eau, vent et autres phénomènes d’érosion) aboutissant à des morceaux de plastique invisibles à l’oeil nu, qu’on appelle nanoplastique (taille de 10-9 m) et microplastique (taille de 10-6m). Les différentes études scientifiques démontrent que les nano et microplastiques sont également présents dans l’air et les sols, révélant une pollution diffuse généralisée.

Dans la catégorie des nanoplastiques, il faut différencier les nanoparticules de plastique, dans le sens où elles répondent à la définition de la Commission européenne : des nanoparticules de plastique intentionnellement produites comme les silicones dans les cosmétiques, des nanoplastiques non intentionnellement fabriqués et qui sont le résultat de la fragmentation de morceaux de plastiques.

La dispersion des plastiques

Concernant l’exposition humaine, les mêmes questions demeurent : que deviennent-ils dans l’organisme ? Les scientifiques estiment que les microplastiques, de taille >10 μm, sont probablement éliminés dans les fèces. Les particules les plus fines <0,1 μm = <100 nm pourraient être capables de passer les différentes barrières épithéliales de la peau (lors d’une exposition cutanée), des poumons (lors d’une exposition par inhalation) et des intestins (lors d’une exposition par ingestion).

À l’échelle nanométrique, comme pour les autres nanoparticules, les effets suspectés sont l’inflammation et le Cheval de Troie. Quant à savoir si l’apparition et l’intensité des effets sont liés à la dose de plastique, à laquelle on est exposé (effet dose-dépendant), le mystère reste entier.

Conclusion

Après plus de dix années de recherche, on est en droit de se demander comment se fait-il qu’à l’échelle internationale les équipes de recherche n’en savent pas davantage ?

Les nanoparticules et nano/microplastiques font partie des sujets les plus complexe à étudier car les plus vastes. En effet, au-delà de leur taille (nanométrique) qui facilite leur biodisponibilité et leur dispersion, les effets sur les écosystèmes et la santé humaine dépendent en plus :

  • de la forme : fibres, billes, poussières ou mousses, toutes ces formes à l’échelle nanométrique peuvent entraîner des effets divers et variés. Ainsi une étude sur les fibres de nanoparticules d’argent ne peut pas se généraliser à l’étude de billes de nanoparticules d’argent.
  • de la nature ou la composition des nanoparticules : les plus étudiés actuellement sont les plus utilisés, soit le dioxyde de titane présent dans les produits cosmétiques, comme filtre anti-UV, et alimentaires, comme agent de texture et colorant, ainsi que les nanoparticules d’argent, utilisé pour ses propriétés anti-microbiennes. Pourtant dans l’environnement, les polluants, à l’échelle nanométrique, sont de toutes sortes : des plastiques, des métaux lourds…
  • des interactions physico-chimiques entre le nanomatériau et les organismes vivants (échanges de charges). Ainsi l’argent ne réagit pas de la même façon que le potassium ou le plomb avec l’organisme humain., donc autant d’interactions à étudier et à comprendre.
  • des interactions avec le système immunitaire et les cellules. Par exemple, les lysosomes sont des organites connus pour être les poubelles au sein d’une cellule, mais on ne sait pas comment elles interagissent avec ces nanoparticules et on ne sait pas non plus quel est le rôle des autres cellules du système immunitaire : phagocytes, macrophages.
  • de l’effet cocktail ou de son effet “Cheval de Troie”, puisque les nanoparticules peuvent se transformer en vecteur afin de transporter des agents pathogènes (virus, bactéries) ou d’autres polluants au sein de l’organisme.

Enfin la complexité vient également du manque de donnée sur l’exposition réelle des organismes vivants, dont l’être humain. Concrètement et précisément, on ne sait pas en quelles quantités et à quels moments on est exposé. L’imprégnation est générale et globale.

Bibliographie

Anses & ANR, Rencontre scientifique – Microplastiques et nanomatériaux : recherche en environnement et santé, mai 2021.

Anses, Les Cahiers de la recherche, Microplastiques et nanomatériaux, Comprendre où en est la recherche, mai 2021.

Vethaak AD, Legler J et al. Microplastics and human health, Science, feb 2021.