Le taux d'incidence ou les nouveaux cas de cancers
Santé Environnement

Cancers, est-ce que leur nombre a augmenté depuis 30 ans ?

En juillet 2019, l’INCa – Institut National du Cancer en collaboration avec Santé Publique France et le réseau Francim, Service de bio-statistique et bio-informatique des hospices civiles de Lyon, a publié une étude sur le nombre de cancers enregistrés depuis 1990 jusqu’à 2018, soit un registre de 28 années.

Une idée reçue très répandue laisse penser que le nombre de cancers aurait « explosé ». Dans la presse, le terme « épidémie de cancers » a même été cité.

La réponse à la question : « est-ce que le nombre de cancers a augmenté depuis 30 ans ? », est non.

Le taux d’incidence, c’est-à-dire, le nombre de nouveaux cas de cancers déclaré est quasiment stable depuis 1990.  Tous cancers confondus, entre 1990 et 2018, le taux d’incidence a varié de 0,1% chez les femmes et 1,1% chez les hommes.

Cette tendance générale est basée sur l’analyse des taux d’incidence (nombre de nouveaux cas) de 27 cancers : œsophage, lèvre – bouche et pharynx, intestin grêle, côlon, rectum, anus, foie, pancréas, larynx, poumon, mélanome de la peau, pénis, prostate, testicule, rein, vessie, système nerveux central, thyroïde…

Par contre, si on observe en détail le taux d’incidence de chaque cancer, certains sont en augmentation, comme le cancer du poumon, de la thyroïde, de l’anus et du foie, d’autres sont en baisse, comme le cancer de l’estomac, de l’ovaire et du vagin (différent du cancer du col de l’utérus).

Chez les hommes, le cancer de la prostate est le plus fréquent. Chez les femmes, il s’agit du cancer du sein (dont il existe une forme génétique).

Alors pourquoi a-t-on l’impression d’être de plus en plus touché(e) par des cancers ?

1/ Avoir plusieurs cancers

Vous connaissez sans doute des personnes qui ont été frappées deux fois par le cancer, soit il s’agit d’une rechute, soit d’un nouveau cancer. Factuellement si une personne peut être concernée deux fois par un cancer, c’est qu’elle a survécu au premier.

2/ Le vieillissement de la population

Avec le vieillissement de la population, le nombre de cancers augmente. C’est d’ailleurs le cas pour le cancer du poumon qui touche dorénavant autant les femmes que les hommes. Dans les années 80-90, la progression de l’égalité homme-femme s’est également traduite par la démocratisation du tabagisme chez les femmes. 30 à 40 ans plus tard les cancers du poumon se déclarent.

En effet, un cancer se déclare après plusieurs dizaines d’années d’exposition régulière (exposition chronique) à un agent cancérogène. Le cancer de la peau est un bon exemple de cet effet à retardement. Il s’agit d’un cancer particulièrement vicieux, car son apparition résulte d’une exposition au soleil remontant à l’enfance jusqu’à l’âge adulte. En prévention, cela implique d’être vigilant, tout au long de sa vie, dès le plus jeune âge.

3/ L’augmentation de la population

L’augmentation du nombre de nouveaux cancers s’expliquent aussi par l’augmentation de la population entre 1990 et 2018. Proportionnellement on décèle donc plus de cancers au sein de ladite population.

4/ Des diagnostics plus précoces et de meilleure qualité

Le dépistage par l’imagerie médicale, les prises de sang et autres examens médicaux permettent de déceler de plus en plus tôt les lésions cancéreuses et donc d’agir de manière plus précoce. Les traitements ont de meilleurs résultats, ainsi l’individu poursuivra sa vie, avec le risque de déclencher un autre cancer.

Et les facteurs environnementaux dans tous ça ?

Dans les facteurs environnementaux susceptibles de provoquer une maladie, et dans notre étude un cancer, j’aime différencier les facteurs environnementaux subis des facteurs comportementaux.

Dans la première catégorie, je classe la pollution diffuse de l’air, de l’eau, des sols, l’exposition à des perturbateurs endocriniens… Notre environnement est imprégné de xénobiotiques et nous sommes tous exposés à ces polluants. Dans la deuxième catégorie, je place les facteurs environnementaux pour lesquels nous avons un leviers d’action, je les appelle les “facteurs comportementaux”. Il est évident que nous n’avons pas tous la même marge de manœuvre, comme avoir une alimentation exclusivement bio. Mais, malgré tout, des facteurs sont connus pour aggraver le risque de cancers et d’autres pour limiter le risque de cancers.

Les facteurs aggravant : le tabagisme, l’alcool, une consommation excessive de graisses saturées (charcuterie, produits industriels, junk-food…), la sédentarité…

Les facteurs limitant les risques : l’activité physique régulière, la consommation régulière de fruits et légumes (même non-bio)

Agir sur ces facteurs comportementaux permet déjà d’anticiper les risques. En ce qui concerne l’exposition à des toxiques via les produits du quotidien (produits d’hygiène, d’entretien…), il n’y a pas de fatalité. Lorsqu’un consensus scientifique existe pour la dangerosité d’une substance chimique, elle est interdite par le règlement REACH, mais pour beaucoup, le doute subsiste. Pour aller plus loin, je vous propose de (re)lire les articles “Maladies environnementales et lien de causalité” et “Les 1000 premiers jours de vie, décisifs pour notre état de santé futur?“.

Bibliographie :

Synthèse – Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018, Inca, 2019